Gourmandises

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Les fromages

Mothais sur feuille

Présentation

Ce fromage de chèvre fabriqué au lait cru, se présente sous la forme d’un disque aux bords arrondis, ayant un diamètre de 10 – 12 cm et un poids variant de 180 à 250 g.

Concernant le poids et le diamètre, il convient de préciser que si de nos jours un certain standard est recherché, tel n’était pas le cas au XIXème siècle et jusqu’aux années 1960, période durant laquelle la fabrication du sur feuille était une tâche ménagère, chaque ménagère utilisant des ustensiles correspondant aux besoins de sa famille et aux habitudes de ses clientes.

Petite particularité, en certaines localités, la forme du fromage était un carré obtenu selon un procédé de fabrication immuable, le fromage se doit d’être toujours présenté reposant sur une feuille de châtaigner ou de platane, recouvert d’une moisissure allant du blanc jaunâtre parfois parsemé de taches bleues au gris-bleu.

Zone de production

En surface, elle occupe la moitié de celle d’un département. En situation géographique elle occupe le Poitou Méridional (Sud Deux Sèvres – Sud Vienne – Nord Charente). La zone de production du sur feuille (cf cartes 2) se superpose avec des zones d’élevage de la chèvre, c’est à dire autour d’un axe allant de Niort à Civray sur une longueur de 60 km sachant que vouloir reconnaître des frontières très précises serait une aberration. Traditionnellement, le Mellois fut un centre important pour la fabrication du sur feuille, mais ce fromage se rencontre en bien d’autres lieux Villefagnan (16), Civray (86), Coulonges sur l’Autize (79), Aulnay de Saintonge (17)… mais en quantité moindre. Dans les secteurs de Couhé Verac, de Chaunay et Sauzé-Vaussais ce même fromage était e forme carrée.

Historique

En Poitou, la paysanne qui possédait des chèvres destinait le lait de celles ci d’abord à la consommation en nature, en particulier pour les enfants ou parfois les malades, ensuite elle faisait ses fromages.

Après caillage du lait, elle égouttait le caillé pour obtenir d’abord son fromage mou (c’est à dire frais). Ce fromage en tant que denrée culinaire entrait dans l’élaboration de plats consistants (souvent à base de pommes de terre) ou de pâtisseries (tourteaux fromagers et galettes fromagères). Afin de leur donner de bonnes jhotes (joues), on servait aux enfants de bonnes « graissaies » de fromages mou (tartines), tandis que les adultes, amateurs de ce fromage additionné d’une pointe d’ail ne manquaient pas. Ce fromage mou pouvait également faire l’objet d’une vente, ainsi son prix était de 1,87 F le kilo aux halles de Niort en l’an XII (18).

fabrication

Avant d’être réalisé dans les ateliers spécialement aménagés toujours au sein de la ferme, le sur feuille se faisait à l’intérieur de la maison familiale soit dans la salle commune ou bien dans un local y attenant, ce travail se rattachait aux autres tâches de la ménagère.

Emprésurage du lait : sitôt la traite, le lait encore chaud recevait quelques gouttes de présure dans le but d’obtenir son caillage (présure sèche fabriquée à la maison avec le contenu de la caillette d’un chevreau mélangé à de la farine et le tout séché, ou présure liquide vendue par les pharmaciens et épiciers). Après caillage, 24 à 48 heures, dans un pot de grés de 5 l environ, le caillé était versé dans un égouttoir. L’hiver, on approchait le pot de grés de la cheminée, par temps chaud, on le disposait en un endroit frais. Ce caillage devait se réaliser ni trop vite, ni trop lentement… tout un art,. elle ajoutait une cuillère de sérum obtenu de la vieille pour accélérer au besoin la prise.

Egouttage du caillé : ce caillé « bien pris » allait perdre son sérum dans un égouttoir (grande faisselle ou pot à fromage mou) ustensile en grés ou terre cuite haute de 20 à 25 cm perforé sur le pourtour et tapissé d’un linge à l’intérieur. Durant une journée, le fromage s’égouttait, perdant son maigre (sérum). Le fromage mou était ensuite retiré de l’égouttoir.

Moulage du sur feuille : dans une petite faisselle (moule) de 12 – 15 cm de diamètre, haute de 5 – 6 cm, perforée sur le pourtour et dans le fond, également tapissée intérieurement d’un linge, la fermière remplissait de fromage mou celle ci. Quelques heures après, elle retournait son fromage, changeait de linge. Le sur feuille désormais plat et régulier, consistant, sortant de sa forme au bout d’une ou deux journées, recevait sur ses deux faces quelques grains de gros sel.
Mothais sur Feuille

Affinage du fromage sur feuille : l’affinage proprement dit allait durer au maximum six semaines, sa conservation pouvant aller bien au delà. Durant tout ce temps, posé sur des feuilles de châtaigniers ou de platane, recouvert également de ces mêmes feuilles, la fermière se devait de le retourner tous les deux ou trois jours, remplacer les feuilles trop humides. Placer dans un séchoir (ou ESSOROU en patois) sorte de garde manger grillagé, le fromage se couvrira d’une fine moisissure, sa surface se ridera, se plissera et pourra sur le tard porter des tâches bleues (pénicillium) bleu qui traditionnellement prouve l’authenticité du produit.

Rôle de la feuille : à l’automne, fermiers et enfants cueillent dans « les gîtes » des bois de châtaigniers (bois d’un an) les feuilles avant leur chute, bien tassées, enfilées sur une corde, elles sècheront lentement dans un grenier. En d’autres lieux, on utilise la feuille de platane, dans certaines fermes et villages des platanes ayant été plantés pour répondre à ce besoin.

Reposant sur des feuilles, la membrane de celles ci absorbera l’humidité du fromage, les nervures la draineront vers l’extérieur. Ne possédant aucun autre matériel, les paysannes poitevines avaient retenues cette astuce pour sécher leurs fromages. Cet égouttage très lent, très régulier et les nombreux retournements donnent une texture très homogène à la pâte du sur feuille, une répartition parfaite de l’humidité dans la masse explique la douceur de la pâte et le goût fin du produit.

Point question d’utiliser des feuilles vertes qui ne feront que de donner un goût de tanin à ce fromage.

marchés

Fières de leur production, tous les jours de marchés, les fermières se rendaient au chef lieux de canton vendre fromages et autres produits « à ces dames de ville », fidèles mais exigeantes clientes, également aux volaillers qui réexpédiaient vers les grandes villes. Les journaux locaux publiaient chaque semaine le cours des fromages. Ce genre de négoce devait cesser dans les années 1960, la fabrication des fromages quittait l’enceinte de la maison pour se retrouver au cœur d’un atelier installé à proximité de la ferme.

ateliers fermiers

Dotés d’équipements modernes contrôlés par les services publics, ces nouveaux ateliers assurent et mettent sur le marché une production moins hétérogène dans son format et plus régulière au point de vue qualité. Un cahier des charges reprenant pour l’essentiel les techniques de la fabrication ancienne, permet au sur feuille de répondre parfaitement aux critères de ce que doit être un produit du terroir, c’est à dire ne pouvant, en nul autre lieu, prétendre obtenir une même qualité et les mêmes caractéristiques. De nos jours, ce fromage se vend sous l’appellation Mothais sur Feuille.

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